Délicieuse

Auteure : Marie Neuser

Date de publication : 23 Août 2018

Date de lecture : Janvier 2020

Genre/Thème : Adultère, Vengeance

Nombre de pages : 480

     L’histoire commence ainsi : une femme parle à l’homme qu’elle aime.

     Devant elle : les restes d’un repas.

     Plutôt que le papier, elle a choisi l’écran.

     À l’intimité d’une lettre, elle a préféré la vidéo et la multitude des réseaux sociaux.

     Cette femme, c’est Martha Delombre, psychologue criminelle habituée aux confessions les plus abominables.

     C’est désormais à son tour de se confesser. L’impudeur ? Peu lui importe, car tout le monde doit savoir. À commencer par lui. Le traître.

     Peut-on dire adieu à vingt ans d’amour fou en succombant à la première inconnue qui passe ? C’est ce qu’il croyait. Au rythme des likes et des partages, traquant la fréquence des connexions, scrutant le pouls des commentaires, Martha la ténébreuse se montrera prête à tout pour continuer d’exister sans baisser la garde, jusqu’au point de rupture. Celui qu’on n’attendait pas et qui a le pouvoir de redistribuer les cartes.

Pas de note
0/10

   Pas lu.

10/10

        Viscéral. C’est l’adjectif qui sied le mieux à ce roman atypique qui ne laisse pas indemne.

       Le scénario peut sembler cousu de fils blancs pour ceux qui ne s’attardent pas aux détails. Car dès les premières pages, on sait comment ça va finir. De nombreux indices sont déposés comme autant de pétales venimeux, veloutés et cruels.

 

       L’histoire, parlons-en. Un soir de Janvier, Raphael avoue à sa femme qu’il a une maîtresse. Le monde de Martha s’écroule complètement. Elle tente de le retenir, le reconquérir, essayer de rebâtir quelque chose de perdu pour toujours. Un deuil, une course contre le temps vouée à l’échec.

       Martha passe du statut d’épouse à celui d’amante, quitte à se corrompre davantage dans une sexualité qui n’est pas sienne. Alors naît Sakura, son double. Fille issue de la douleur, qu’elle se fait tatouer dans le dos. Elle se crée un faux profil pour approcher sa rivale : Aline Pelissier. Entrer dans son intimité, gagner sa confiance pour mieux instiller ses paroles venimeuses …

       La narration se place de son point de vue. L’emploi du « je » est très impactant, nous entraîne dans son désespoir, sa lente décadence. Martha, psychologue criminelle, s’occupe de cas difficiles, dont des cannibales. Petit Narcisse est l’un d’eux et son discours l’intrigue beaucoup.

       Je vais éviter de spoiler autant que possible pour encenser la plume à présent. Elle est, comme son titre, délicieuse ! Les phrases sont longues, richement travaillées ; des envolées littéraires exquises qui ont enrichi mon vocabulaire. Tout est pleinement mesuré, juste et tellement vivant… Voilà pourquoi on n’en sort pas indemne, parce qu’on le vit au fond des tripes…

       Il n’y a qu’un passage qui m’a outrée : quand Martha et Raph se tripotent avec leur gamin pas si loin… Non quoi…

 

       J’ai vraiment aimé le personnage de Martha, femme bafouée, humiliée, à cause de sa maternité qui a endormi sa libido. Voilà pourquoi son époux est allé voir ailleurs, pour une histoire de fesses. J’ai trouvé ça tellement triste, 20 ans d’amour qui déraillent pour ça…

       Tout le récit est ponctué d’anecdotes, d’émotions particulièrement violentes. Si vous êtes déprimé, attendez pour le lire, car il gifle, il lacère les certitudes, embarque vers une réalité poignante de détresse.

 

       Un roman d’exception, foncièrement honnête, transparent, douloureux et impactant.

Extraits

     « Tu n’as encore rien mangé, Martha. Tu vas dépérir.

     Je ris pour seule réponse. Manger, à condition que j’y parvienne, pour quoi faire ? Je suis nourrie, gavée, au bord de la gerbe, de chagrin, d’humiliation, de colère et de haine, je n’ai pas besoin de m’emplir encore. »

 

     « Ces mensonges pommadent mes nécroses. Tendrement, au détour d’un songe.

     Et puis l’âcreté de la réalité revient m’électrocuter. »

 

     « Il faut que j’arrête. Le fiel me défigure. Je ne peux réprimer un glissement de mon corps vers le tien, vers le sofa près de toi, pour t’enlacer et laisser se blottir ton visage dans mon cou. C’est notre dernière étreinte. Je t’aime si fort que je vais disparaître. Je te le souffle, je te le grave, je t’embrasse les yeux. Je t’aime, Raph, oh mon amour, mon amour perdu, ma vie fracassée. »

 

     « Pour pleurer, il faut être plein de quelque chose, il faut déborder, et moi je n’ai plus rien. Seule la projection sur ce que vous allez éprouver, Alex et toi, à l’issue de cette révélation, fera naître en moi des amorces de hurlements que j’étoufferai en me verrouillant. »

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