1984

1984
Auteur : George Orwell
Date de publication : 24 Mai 2018 (réédition)
Date de lecture : Misha : Avril 2020 / Farrel : 2005
Genre/Thème : Dystopie
Nombre de pages : 384

1984 est le plus célèbre roman de George Orwell, publié en 1949.
Il décrit une Grande-Bretagne trente ans après une guerre nucléaire entre l’Est et l’Ouest censée avoir eu lieu dans les années 1950 et où s’est instauré un régime de type totalitaire fortement inspiré à la fois du stalinisme et de certains éléments du nazisme. La liberté d’expression n’existe plus. Toutes les pensées sont minutieusement surveillées, et d’immenses affiches sont placardées dans les rues, indiquant à tous que Big Brother vous regarde
(Big Brother is watching you).
1984 est communément considéré comme une référence du roman d’anticipation, de la dystopie, voire de la science-fiction en général. La principale figure du roman, Big Brother, est devenue une figure métaphorique du régime policier et totalitaire, de la société de la surveillance, ainsi que de la réduction des libertés.

1984 n’est pas un livre parfait. Avec un rythme très lent, des personnages caricaturaux, une dystopie assez risible au regard des standards actuels, on pourrait de prime abord se dire qu’on est face à de la S.F. certes de bonne qualité, mais guère transcendante.
Et pourtant…
J’ai lu 1984 quand j’étais au Lycée. Non pas dans le cadre d’une obligation, mais sur les conseils de ma prof d’Anglais (si tu me reconnais, des bisous. Moi, je ne me souviens même pas à quoi tu ressembles) avec qui je partageais beaucoup. Forcément, j’étais un cancre. Du genre qui ne rendait jamais un devoir dans les temps, mais qui surpassait le reste de la classe par sa maîtrise de l’anglais. Et elle me détestait pour ça, persuadée que je foutais mon avenir en l’air.
De fait, elle me collait souvent. Mais comme c’était une bonne prof, elle trouvait systématiquement des thèmes assez sympas, comme de bons bouquins qui pourraient me plaire.
Et c’est là que sont entrés dans ma vie deux bouquins : La ferme des animaux (un jour, peut-être, on en parlera) et… 1984, justement.
Ce livre a changé ma vie, ma vision du monde, ma manière de penser, d’être, de vivre. Il m’a transfiguré, plus encore que n’avait su le faire aucun autre.
Et je suis heureux de l’avoir fait enfin découvrir à Misha.
Car 1984, sous ses faux airs de S.F. dystopique, est avant tout un pamphlet contre le pouvoir, une ode à l’anarchie, le cri du cœur d’un homme avide de liberté.
1984 nous ouvre les yeux sur les vérités dérangeantes d’un monde moderne vicié et parasité, où la démocratie a fait place à une oligarchie pataude et vénale, brandissant sous ses faux airs d’utopie le drapeau de l’esclavage.
Qu’on soit clairs, 1984 est toujours diablement d’actualité. Lisez ces pages, mettez en parallèle ce que nous vivons depuis une trentaine d’années, et vous ne dormirez jamais plus de la même manière.
C’est grâce à 1984 que j’ai développé mon esprit critique, que je me suis mis à douter, à comprendre que la propagande pouvait prendre des formes bien différentes de ce qu’on nous servait dans les livres d’histoire. Que le passé, s’il était source d’apprentissage et de sagesse, était souvent biaisé, tronqué, modifié pour les besoins d’une idéologie commune. C’est grâce à 1984 que j’ai cherché, appris, et apprends encore aujourd’hui, sans relâche, dans une quête sans fin de vérité en demi-teintes.
Je ne parlerai pas de l’histoire elle-même, vous l’aurez compris. Mais je devais faire une analogie, alors je dirais que lire 1984, c’est prendre la pilule rouge.


Je devais le lire depuis fort longtemps. Yeonmi-Park faisant le parallèle entre ce livre et l’état actuel de la Corée du Nord, Farrel me recommandant chaudement de m’y mettre ; j’ai choisi cette période de confinement pour me déprimer un peu plus. Hahaha ! Non mais c’est vrai, ce roman est extrêmement déprimant. Plus qu’un roman d’ailleurs : la critique sociétale d’un visionnaire.
Certains le classent en Science-Fiction, c’était sans doute le cas à l’époque, encore que, tout ce qu’il dépeint depuis le néolithique sur la façon dont le pouvoir est découpé est réel. Alors certes, en 2020, ce ne sont pas l’Océanie, l’Eurasie et L’Estasie qui se disputent le pouvoir. Mais tout ce qui y est décrit, la manière dont le gouvernement abêtit et asservit le peuple ; est réel. C’est le cas. Surtout, ne pas fournir au bas peuple les outils pour avoir un esprit critique. La télé, qui passe d’abord par le filtre des médias, est gratuite, le partage illégal. Parce que la publicité est nécessaire pour laver le cerveau. Créer des besoins qui n’existent pas.
Maintenir un état de guerre permanent pour endormir les consciences. Avant c’était la haine contre les arabes, ça détournait l’attention des actionnaires. Maintenant le Covid-19. « Nous sommes en guerre. » a dit Macron. Et il en profite pour faire passer des lois avec une cuistrerie sans précédent.
Le peuple crève de faim, la pauvreté gangrène la France. Et en lisant 1984, j’ai pris conscience de nombreuses subtilités. Tout ce qu’on vit au quotidien. Ma vision des choses qui suscite le rire parfois : « Vivre heureux en faisant ce que l’on aime, n’être à la solde de personne. » C’est la peur ultime des puissants.
Dans ce livre, Winston travaille pour le Parti intérieur. Il reçoit des journaux qu’il doit falsifier. En permanence, Big Brother réécrit le passé. Ça permet de maintenir une voix unie sur un mensonge donné. S’il dit que l’Océanie est en guerre contre l’Estasie, puis qu’il change d’avis, assure que c’est contre l’Eurasie depuis toujours ; le peuple le croit. Le principe de double-penser permet de tordre la réalité, accréditer un mensonge pour le rendre réel. Une personne prétend léviter, une autre l’en croit capable, c’est qu’elle peut le faire. Et toute la hiérarchie est ainsi faite.
Les Prolétaires sont maintenus dans l’ignorance, ils servent juste à travailler, se reproduire et mourir. Seul le Parti est éternel, les corps physiques ne comptent pas. D’ailleurs l’orgasme est interdit, le sexe doit servir uniquement à la reproduction (tiens, nos amis cathos criaient les mêmes conneries). On sépare les enfants de leurs parents à la naissance. Aucun lien ne se crée, ils sont formés pour devenir des espions et balancer leurs géniteurs à la première occasion.
Winston fait mine de vénérer Big Brother. Mais une part de lui croit se souvenir d’un temps plus heureux, sans dictature. Sauf que c’est confus, son cerveau étant ravagé par la propagande. Il souffre d’un ulcère variqueux à la cheville qui le fait souffrir. Ça ne l’empêche pas d’être contraint à faire sa gym dès le lever devant son écran qui se montre autoritaire.
Il finit par avoir une liaison avec une collègue, ce qui est strictement interdit, d’autant qu’il a une épouse dont on l’a séparé. Ils savent tous deux que ce bonheur ne durera pas, qu’ils vont se faire prendre, que la torture les attend…
1984 m’a rendue triste. Il dépeint un monde sans issue, dicté par la corruption. On ne peut que faire le parallèle avec la dictature d’aujourd’hui. Du temps a coulé, mais la réflexion d’Orwell reste la même sur cette hiérarchie, bâtie sur la bêtise et le consumérisme, pour mieux les gouverner, tous…
Extraits
« Si le Parti peut manipuler le passé et décider que tel ou tel événement n’a pas eu lieu, cette idée est assurément bien plus terrifiante encore que celle de la torture ou de la mort à venir. »
« Aujourd’hui déjà, il n’y a pas de raison ni d’excuse au mentocrime, ce n’est qu’une question d’autodiscipline, de contrôle sur la réalité. Mais à terme, nous n’aurons même plus besoin de ça. La Révolution sera complète quand la langue sera parfaite. Le néoparler c’est le Sociang, et le Sociang c’est le néoparler, ajoute-t-il avec une satisfaction mystique. Il ne t’est jamais venu à l’idée qu’en 2050, au plus tard, il ne restera plus un être humain qui soit en mesure de comprendre la conversation que nous sommes en train d’avoir ? »
« D’une certaine manière, la vision du monde qui est celle du Parti s’impose avec le plus de force à ceux qui sont incapables de la comprendre. Il peut leur faire avaler les violations les plus flagrantes de la réalité parce qu’ils ne saisissent pas l’énormité de ce qu’on exige d’eux et ne s’intéressent pas assez à la vie publique pour remarquer ce qui se passe. »
« Car si tous jouissent de loisirs et de sécurité, les masses ordinairement abruties par la pauvreté vont s’instruire et se mettre à penser, en conséquence de quoi elles finiront par s’apercevoir que la minorité privilégiée ne sert à rien et elles la balaieront. À terme, une société hiérarchisée doit s’appuyer sur la pauvreté et l’ignorance pour être viable. »